HELLFEST 2017 Et au bout du couloir, il y avait le jour 3

Exit la fraicheur et le corps en parfait état (ahem) du vendredi, aujourd’hui on passe à la caisse. Après deux journées bien complètes à arpenter les étendues arides du pays du muscadet, il faut bien dire qu’on la ramène moins en ce dimanche matin. L’astre jaune nous réveille encore une fois à 8h tapantes, et ayant eu la brillante idée d’emporter avec moi un matelas gonflable crevé, mon dos commence à déchanter quelque chose de concret. Qu’à cela ne tienne, le bougre prendra son mal en patience parce qu’il y a encore du très lourd à voir avant de plier les gaules. (TEXTE Jérémy Kervran / PHOTOS Sandrine Correia)

Non sans peine nous troquons une dernière fois les claquettes pour des chaussures de rando, et direction notre chère Valley. Mes excuses par avance à Bright Curse dont l’univers musical m’avait pourtant accroché l’oreille et qui aurait été une entame parfaite pour relancer la machine, mais le besoin de repos était bien trop grand pour en être à 10h30.

C’est donc par Vodun que le service dominical s’ouvrira : et tant d’attentes pour ce premier concert ! Pour ceux qui ne connaîtraient pas le trio londonnien, c’est tout bonnement un OVNI dans le paysage rock/stoner moderne. Un son de guitare bien gras, une rythmique de batterie à 300 km/h, des accès de psychédélisme, le tout porté par le chant soul de Chantal Brown aka Oya. Grand fan de la Motown devant l’éternel, il n’en fallait pas plus pour combler mes petites oreilles. Et on a beau savoir que les sets du matin sont courts, ils le paraissent encore plus quand c’est si bon. Si le chant occupe clairement le premier plan, ce dernier ne noie pas pour autant les instruments : la guitare de Marassa n’est pas forcément des plus originales mais fait preuve d’une efficacité implacable, là où les patterns de batterie d’Ogoun impressionnent eux de technique et d’énergie. Comme la veille le public s’est déplacé tôt pour voir le phénomène, et valide l’expérience voodoo qui lui est proposée en acclamant largement des titres comme Mawu ou Loa’s Kingdom. Si vous ne connaissez pas Vodun et que vous avez l’occasion de les voir n’hésitez pas, ne serait-ce que pour vous en faire un avis.

Nous nous extirpons momentanément de la Valley pour retrouver les pelouses du site, déjà bien caniculaires pour l’heure. Un rapide arrêt au stand pour profiter d’un thé vert (le mythe du rocker en prend un coup je sais), et la suite du programme arrive déjà d’un pas décidé. Je suis attendu à 13h10 à l’espace presse afin de percer un peu plus le mystère Vodun, ce qui ne me laissera qu’une petite dizaine de minutes devant The Vintage Caravan. Loin de moi l’idée de bouder mon plaisir de profiter des anglais encore chauffés à blanc par leur prestation, mais j’avoue que mon départ me laisse un goût de trop peu. Les trois islandais sont en effet venus avec de l’enthousiasme par paquets de douze, et distribue d’entrée de jeu des riffs 70’s incroyablement aguicheurs. L’ami poilu ne manquera pas de retourner le couteau dans la plaie, lui qui aura le confort de profiter entièrement de la prestation des Vikings. Partie remise messieurs, ici ou ailleurs.

C’est presque une double sanction au final, puisqu’un décalage d’une heure dans les interviews me privera également de Crippled Black Phoenix, toujours à la Valley. Les aléas du direct, et pour être totalement honnête je m’en suis remis sans larmes puisque ce genre de prog rock experimento-ambient ne m’aurais de toute façon pas transcendé. Pas beaucoup d’échos d’ailleurs sur ce concert dans les rangs de Clisson, la présence de Nostromo à l’Altar au même moment expliquant possiblement cela.

La journée est alors clairement lancée, et ce n’est pas la délicatesse du prochain rendez-vous qui viendra me contredire : double tartine de Ufomammut pour le goûter ! Une formation que j’ai d’ailleurs un peu vite rangée dans ce grand tiroir des groupes de doom où l’efficacité prime parfois sur l’originalité. J’entame donc ce concert pensant savoir à quoi m’attendre malgré ma connaissance limitée de l’univers des italiens. Ça m’apprendra à juger trop vite : si le triangle guitare/basse/batterie impose effectivement un rythme pachidermique, les claviers d’Urlo relèvent tout ça de nappes qui s’étirent à l’infini et ajoutent une once de légèreté bienvenue. Le nom du trio prend alors tout son sens, et je prends un véritable plaisir avec des titres comme Warhsheep (“mouton de guerre”, ça fume visiblement pas que des malbos light par-delà les Alpes), Hellcore ou Stardog. Pour résumer, Ufomammut aura été la vraie bonne surprise de ce dimanche !

L’heure avance, les légendes s’avancent. Le temps des découvertes et des approfondissements culturels semble révolu à l’annonce des prochains locataires du royaume de la poussière : messieurs dames, Pentagram. Une carrière débutée en 1971 et toujours d’actualité, pour un total de 43 ans sur les planches, excusez du peu. Seule ombre au tableau, l’absence de son vocaliste et leader de toujours Bobby Liebling. L’affreux a en effet eu la bonne idée de gagner un séjour à l’ombre (on l’envierait presque avec cette chaleur) suite à des violences domestiques en avril. Le groupe aux cinq pointes n’a pour autant aucune intention de se défiler, et c’est au guitariste Victor Griffin qu’il incombe de faire passer la pilule en assurant derrière le micro. On sent le public tiraillé de voir un nom si mythique mais clairement amputé. Pentagram choisira alors de dissiper les doutes de la meilleure des façons : sur scène. Le timbre de voix n’est évidemment pas identique à celui de ce bon vieux Bobby, mais tant pis pour les plus tatillons. Les anglais (en formation trio exclusive) ne s’embarassent d’aucune gêne et harranguent très rapidement la Valley, qui lui répond au quart de tour. Dès le troisième titre, le tiercé Sign of the Wold (Pentagram)/Forever My Queen/When the Screams Come est lâché en pature à une foule qui ne reproche déjà plus rien aux rejetons de Belzebuth. Une prestation menée de mains de maîtres sans s’entâcher d’excuses inutiles. Mention spéciale pour Griffin, impeccable tout du long. Un seul mot nous vient à la fin du set : bravo.

A partir de maintenant, que les fervents défenseurs du prog me pardonnent. Non content d’avoir fait l’impasse sur Crippled Black Phoenix, voilà maintenant que j’abandonne Blue Öyster Cult. Oui mais voilà, le Hellfest est encore et toujours une histoire de choix, et mon adolescence est programmée à 20h45 sur la Main Stage 1. Prophets of Rage, cerbère composé de membres de Public Enemy, Cypress Hill et Rage Against The Machine, débarque en ville. L’absence de Zach de la Rocha attriste forcément, mais comment se priver des solos de Tom Morello qui défient toujours les limites de l’entendement. Nous prenons alors la décision d’arriver tôt, et c’est presque déjà trop tardif. Une foule immense s’est aglutinée dans l’espace principal, si bien qu’à 20h nous voilà déjà relayés une bonne dizaine de mètres derrière la régie. L’approche ne fût toutefois pas vaine, puisque les prophètes se pointent un bon quart d’heure en avance. Après l’ouverture évidente sur le titre éponyme, on comprend vite que le set sera principalement composé de la discographie de RATM. Take the Power Back, Guerilla Radio, Bombtrack, les hymnes de ma puberté déroulent. Preuve irréfutable que la recette fait mouche, d’immenses nuages de poussière s’échappent des premiers rangs. Petite ombre au tableau, si B-Real tient la baraque derrière le micro, il est difficile d’en dire autant de Chuck D. Sans rejeter tous les tords sur lui, je soupçonne les morceaux d’être joués un poil en deça du tempo d’origine et peinent parfois à atteindre la fureur de la grande époque. Trop d’attentes, sûrement. La prestation est également agrémentée d’une sorte d’entracte hip-hop, initiée par Fight the Power de Public Enemy. S’en suit un medley Hand on the Pump/Insane in the Brain/Bring the Noise/Jump Around qui fait mouche et révèle la double casquette du public clissonnais. Mais le vrai moment de grâce viendra quelques minutes plus tard : Tom Morello s’avance au micro afin de rendre hommage à Chris Cornell, éminent chanteur de Soundgarden et Audioslave disparu un mois auparavant. Raisonne alors une reprise de Like a Stone portée par un solo chargé d’émotion de Morello. A cet instant, la “grand famille du metal” semble dépasser largement l’expression favorite des médias généralistes, et des frissons parcourent toutes les échines. Un grand moment, simplement. Loin de tomber dans le pathos, la prestation reprend de plus belle par un Know Your Enemy tant attendu, enchaine Bullet in the Head, How I Could Just Kill a Man et Bulls on Parade pour une conclusion inévitable sur Killing in the Name of. Mes petites appréhensions de fan de la première heure sont dissipées. Rage Against The Machine est mort, vive Prophets of Rage.

La nuit est alors tombée sur le Hellfest, la fin tant redoutée de cette grand messe annuelle est imminente. Alors quoi de mieux pour clotûrer le bal que la hargne fiévreuse de Clutch ? Nous sommes partis deux bons morceaux avant la fin de Prophets of Rage, grand bien nous en a pris. C’est littéralement une procession de fidèles du père Fallon qui se dirige vers la Valley. Impeccablement installés en plein centre de la chapelle, le service peut commencer. Toutes ces métaphores religieuses ne sont pas innocentes tant Neil Fallon s’empare de la scène avec le charisme d’un révérend de show américain. Sauf qu’ici ce sont des riffs plein de graisse qui descendent du ciel ! On a à peine le temps de comprendre ce qui se passe que les gars du Maryland nous balancent un Firebirds à réveiller les morts. Mais c’est qu’on aurait encore de l’énergie dans les pompes en fait ? The Mob Goes Wild, Sucker for the Witch, The Regulator : blam, blam, blam. Les classiques partent comme les munitions d’un .22 long rifle et touchent les ouailles en pleine paumettes. Là où on aurait pu s’attendre à de la nostalgie et de la fatigue, on ne retrouve que des sourires contagieux. Tim Sult nous régale jusqu’au bout de grosses guitares bluesy, et la conclusion se fera au sein d’un triptique D.C. Sound Attack!, Electric Worry et X-Ray Visions tout bonnement impeccable. Si on aime chipoter on esperera jusqu’au bout Earth Rocker ou Crucial Velocity, mais la discographie des loustics est tellement longue qu’il y allait forcément avoir des sacrifiés. Clutch est définitivement l’expérience bourrée de vitamines qu’on m’avait promis, je quitte Clisson sur la meilleure note possible. Hawkwind fermera définitivement la Valley pour cette année, mais avec 3h de route jusqu’à Brest et le boulot qui attend au tournant le lendemain matin, il faut hélas jouer la sagesse.

C’est encore un très grand cru du Hellfest qui nous a été servi cette année, tant et si bien qu’on compte déjà les jours avant de goûter celui de 2018. S’il fallait retenir une chose au-delà des prestations musicales, c’est bien l’organisation générale qui frôle la perfection. Comme dit précédemment, les portiques à l’entrée du site sont la solution idéale aux longues files d’attente des années précédentes. Un des rares points noirs appartient maintenant au passé, chapeau bas messieurs, et à l’année prochaine !

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