L’Enfer attendra: Vanni Fucci bourre encore la figue au Bon Dieu et ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Thémis a les yeux bandés, c’est bien le moindre de ses problèmes. Pour impartiale soit-elle, nombreux sont les justiciables à travers les siècles à avoir fait les frais de sa myopie. Les grosses bévues faisant bien souvent les histoires les plus croquignolettes, laissez-moi vous conter la larmoyante histoire du Sieur Vanni Fucci. Mettez-vous à l’aise, le lapin va vous faire de la place. (TEXTE Julien Girault)

Pistoia, Italie médiévale du XIIIème siècle. Vanni Fucci est un jeune homme comme tant d’autres. Il aime l’Inter de Milan, la pizza et rouler sur sa 103 sp custom. Là, des heures durant, Junkie XL à fond les ballons dans les oreilles, il se sent vivant, chevauchant par delà ce monde, tout seul, Dieu cueille ton âme, t’es livré à toi même.

Petite célébrité locale, il s’attire pourtant de nombreuses inimitiés. On lui reproche d’avoir dédaigné le pot Ninja et le guidon torsadé dit “à l’italienne”. Pire encore, il affiche ouvertement son mépris pour l’Euro Dance Music et la coupe de cheveux alors à la mode, dite “mulet”. Vanni Fucci ne le sait pas encore, mais son destin est scellé. Très engagé politiquement, il s’attire les foudres de ses semblables lors d’une innocente performance en pleine messe dominicale, le vin consacré s’étant vu aromatiser à la mescaline et aux laxatifs.

Interpellé en plein match de derby Pistoia-Montecatini, il est sorti du terrain sous le prétexte d’un tacle un peu sec, avant d’être sommairement jugé et pendu dans la foulée le lendemain. Son équipe perdra 2–1. On raconte que le ressentiment de la défaite aurait beaucoup joué dans la sévérité du jugement.

Comme chacun sait, mourir c’est partir un peu. Hélas, Vanni Fucci est embarqué dans un long voyage dont il se serait bien passé. Par un incroyable concours de circonstance, il est déclaré sacrilège. La gravité de sa faute supposée est amplifiée par une erreur monumentale : on lui reproche d’appartenir à la faction des Guelfes noirs. Sinistre bévue, lourde de conséquences : Fucci est surnommé par ses coéquipiers “Delphes”, ayant pris l’habitude de célébrer chaque but en poussant des cris débiles de dauphin. Pour le jeune homme, c’est le début d’une longue dégringolade dans les cercles infernaux. On perd peu à peu sa trace, jusqu’à la visite de Dante, poète toscan largement surestimé, qui a relaté l’entrevue dans ses carnets de voyage, pompeusement intitulé “la Divine Comédie”, chants 24–25 (spoiler : ce n’est pas tellement drôle et il n’y a qu’un gros tiers au Paradis.)

Très amer, Vanni Fucci est dépeint sous les traits d’un damné vulgaire à la rancune tenace. Il a la haine, la rage, le seum. Son acrimonie, pourtant bien compréhensible, se double d’une proportion un peu extrême au blasphème. En effet, plus que régulièrement, il fait la figue, invitant symboliquement le Bon Dieu à des pratiques que la décence et le bon goût nous interdisent d’expliciter. Le règlement intérieur des enfers étant quelque peu vache, son geste adolescent lui vaut de se faire assaillir par des dizaines de serpents pandémoniaques, les terribles pharées, jacules, chélydres et cenchres selon la terminologie de Lucain, preuve que dans l’antiquité romaine on n’a pas attendu les hippies pour chasser le dragon. L’assaut se terminant lorsque le damné prend feu et est réduit à un tas de cendres, ce qui ne devrait étonner personne au vu de la simulation ordinaire des joueurs italiens. Puis Fucci ressuscite, bourre à nouveau la figue au Bon Dieu et re serpents, pyrotechnie, etc.

De manière générale, nous pourrions nous interroger sur l’efficacité de cet exemple de damnation. Coller pour blasphème quelqu’un en enfer, déjà ce n’est pas une grande idée. Coller pour blasphème quelqu’un en enfer qui vous bourre la figue chaque fois qu’il le peut, et il le pourra de toute éternité, c’est contre productif et donc une idée à la con.

PS : Pensez à vous savonnez convenablement les mains, les lapins c’est sale

 

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