Clisson, jour 2 ! C’est aux alentours de 8h que nous sommes réveillés par un soleil toujours bien en place qui transforme rapidement notre Quechua en four à pizzas. Rien de surprenant vu la chaleur de la veille, mais ça laisse tout de même entrevoir un festival aux nuits aussi courtes que les journées y sont longues. Il est alors temps d’extirper de la tente nos deux gueules d’anchois un peu amochées des bières de la veille. Un bref passage à l’Extreme Market en chemin (le ratio bracelets à clous/vinyles nous étant défavorable), et il est déjà 10h30, heure d’ouverture des portes de l’enfer. Comme la veille, pas de mauvaise surprise aux barrières, nous sommes en 5 minutes chrono sous la Valley. (TEXTE Jérémy Kervran / PHOTOS Sandrine Correia)
C’est le moment d’accueillir les strasbourgeois de Los Disidentes Del Sucio Motel, qui ont la lourde tâche d’ouvrir le samedi côté stoner de la boutique. J’avais déjà pu écouter ce petit groupe français qui monte lors d’une soirée Ultranova à Brest, pour un set ma foi agréable bien que tout n’était pas spécialement raccord avec mes goûts très axés desert rock. Qu’à cela ne tienne, c’est par deux bonnes surprises que nous commençons la journée : primo la Valley est bien peuplée pour l’horaire, ce qui confirme que le public du Hellfest ne vient pas seulement pour égorger des chèvres et descendre du houblon par canettes de 50cl. Deuxio, le son semble bien plus cohérent qu’hier et on ne devrait pas subir de pénibles oscillations sonores aujourd’hui. Tudo bem, donc. On se cale à bonne distance de la scène pour déguster les premiers riffs de la journée, et le concert se finit rapidement et sans fautes. Si le chant a un peu trop tendance à tricoter à mon humble avis, force est de constater que LDDSM font le boulot et en sont récompensés par le public déjà présent. Au delà de l’aspect musical, c’est surtout agréable de voir des groupes locaux sur une scène si belle et peuplée.
Il n’est finalement que 11h à la sortie du concert, et on en profite pour explorer un peu le site d’un pas plus relâché. Rien de bien nouveau à l’horizon (on regrette même les superbes décors des mainstages de l’année précédente), mais c’est toujours un bonheur de se promener, mention spéciale pour le petit bois central qui fournit l’ombre vitale pour ne pas rôtir. Nos estomacs nous rappellent alors que quelques chips ne suffisent pas à faire tourner la boutique, et on se dirige vers les stands restauration qui commencent déjà à noircir. La manœuvre nous privera de Primitive Man, dont le chant gueulard n’avait pas spécialement accroché mes tympans de toute manière. Le programme de la journée est de toute façon bien chargé, et il reprend à 14h20 avec Monkey3 dont nous espérons beaucoup…
Et hop, première gifle de ce samedi ! Moi et mon compère étant déjà très friands de psychédélisme gras, nous en avons pour notre cashless. Les soucis techniques de la régie appartiennent bel et bien au passé, et on savoure chaque note avec les mêmes sourires niais de la veille. La dure loi des temps de passage nous laisse un goût de trop peu tant les 40 minutes passent comme un 100m d’Usain Bolt, mais les suisses ne nous auront clairement pas fait perdre notre temps. On ressort du concert comme sur un petit nuage, encore un peu perdus dans la brume de titres comme Icarus ou Abyss. On a déjà hâte de les revoir sur scène, peut-être en salle cette fois pour un confort total.
Le soleil est déjà bien haut, nous profitons de l’ombre sous la Valley pour grappiller quelques minutes de sommeil bienvenues. Au réveil le décor s’alourdit : c’est à présent Bongripper et son doom suintant qui envahissent les planches. Si mon ami poilu passe à côté, pour ma part je ne boude pas mon plaisir. Bongripper est à la musique ce que le lard est au kig ha farz : énormément de gras relevé d’une petite pointe de sel. Les nuques vont d’avant en arrière à un rythme maximale de 30 BPM, c’est lourd, c’est massif, c’est implacable. L’album Satan Worshipping Doom m’avait déjà convaincu, je suis maintenant converti.
Blood Ceremony aurait été une transition parfaite, mais je ne suis pas à Clisson pour colorier des Smarties. L’interview de John Garcia est prévue à 17h tapantes, je file donc en zone presse deux bonnes heures en avance pour découvrir le lieu et peaufiner l’entretien avec la légende de Sky Valley. Je retrouve au passage Sand, ma heavy photographe de collègue, dans cet oasis qu’est l’espace VIP. Tout va très vite, notre rencard avec sieur Garcia semble durer 30 secondes, mais quelles 30 secondes. On oublie même la petite heure de décalage qui nous fera louper Mars Red Sky, encore une fois c’est le jeu, cette rencontre (que vous pourrez lire dans nos pages bientôt) valait largement ça.
Ce qui nous amène donc à Chelsea Wolfe. Un nom qui se propage dans la bouche des festivaliers depuis la veille et qui commence en toute logique à m’intriguer. Je décide de ne pas me renseigner plus que ça sur le groupe afin de découvrir entièrement l’affaire sur scène, sans aucun à priori. On laisse passer 3-4 titres par politesse avant de juger mais le constat semble évident : ça a quoi d’exceptionnel, en fait ? On n’aimerait pas paraître gratuitement méchants, mais tout au plus c’est écoutable. Les plus critiques pourraient même dire que c’est d’une énorme inspiration Mansonienne d’un point de vue musical comme esthétique, et que ça ne réinvente pas le genre. Parlons-en d’ailleurs du genre : du folk-indus sous la Valley ? La cohérence en patie. S’il est agréable de voir que le stoner/desert rock ait le vent en poupe, il ne faudrait pas que la scène la plus poussiéreuse du fest devienne un fourre-tout où l’on case chaque nouveauté qui fait un peu parler.
Cette incompréhension passée, des choses plus que sérieuses se profilent. Slo Burn clotûre à minuit, mais avant ça c’est LA bonne surprise de cette édition 2017 qui va nous retourner le bocal dans tous les sens : Primus et son mythique leader LES, FUCKING, CLAYPOOL. A partir de là, il faut savoir que votre bassiste de serviteur plie son objectivité en 18 et la range bien au fond de sa poche. Si le trio de San Francisco ne sera pas des plus bavards avec son public, le spectacle parle pour eux. Le backdrop mitraille de vidéos plus dérangées les unes que les autres (les fans reconnaîtront principalement les clips du groupe), et l’univers timbré des californiens contamine une Valley qui ne boude pas son plaisir. On savait maître Claypool un réel virtuose de la quatre cordes, mais c’est définitivement impressionnant à voir en live. On manquerait presque d’adjectifs pour qualifier la prestation, retenez juste que Primus est à la hauteur de sa réputation. Les néophytes seront peut-être passés à côté de tant de folie, j’en ressors pour ma part avec la banane jusqu’aux oreilles, pour rester correct. TOO MANY PUUUUUUUPPIES!
Minuit, l’heure du crime. C’est avec les jambes lourdes et les narines poussiéreuses qu’on attend môssieur désert, l’âme de Sky Valley, j’ai nommé John Garcia et son 29753ème side-projet Slo Burn. Le père Garcia n’est pas avare en tournées, et après l’avoir vu avec Kyuss Lives en 2011 aux Eurocks puis en 2016 sous les couleurs d’Hermano au Hellfest, on ne peut pas dire que c’est un dépucelage. Mais bordel, quel kiff de le revoir si bien entouré. On retrouvera donc directement ce son si particulier d’un desert rock qui nous est cher et qui donne de la cohérence à notre état crasseux. Le groupe n’étant riche qu’un album et d’une démo, la quasi-intégralité de Amusing the amazing composera la setlist, sans qu’on puisse rien y redire. On se délecte des riffs ultras efficaces de Chris Hale jusqu’à un final évident mais orgasmique sur le duo July/Pilot the Dune. Définitivement, Slo Burn a délivré une prestation à leur taille : patron.
Vannés mais heureux, nous retournons à notre campement cinq étoiles pour profiter d’un sommeil des plus douillets avant d’attaquer le troisième et (déjà) dernier jour de ce Hellfest 2017. Il y a encore du très bon à voir demain, Clutch, Prophets of Rage ou encore Pentagram en tête de liste. Pas de folies cette nuit, il faudra être forts en espérant que les groupes soient plus frais que nous pour la grand messe dominicale.