« Dans mes rêves les plus fous, je me plais à croire que ma région natale, la Vendée, est la nouvelle Norvège. Un trop plein d’entropie engendre parfois en réaction des poussées fulgurantes d’énergies créatives, à l’image d’une éruption volcanique. Le spectacle est trop beau pour ne pas en profiter pleinement. On parle ici de diamants forgés dans les entrailles de la Terre. » (TEXTE : Julien Girault)
Ainsi commençai-je il y a deux ans presque jour par jour mon papier sur l’album Blind de Snow Shards. L’évidence était là : nous tenions un album accompli. Ce que j’étais infoutu de prévoir en revanche c’est que l’album et la démarche l’ayant précédé se poseraient en acte sacramentel d’un collectif ultra créatif, Musique Noire De Vendée (MNDV) se composant à présent de Jinkstraüm (Dark Ambient, Noise Drone), Snow Shards (Post-Rock, Folk, Ambient), Koldkrypt (Black Metal brutal/mélancolique, Progeny of Salem (Black Metal symphonique/garage), Alice Insane (Goth-Punk, Black Metal), Atropos (Doom/Folk), Body Scan (Ambient, Drone, Noise, Psyche) et PLP (Ambient, Noise). Entre œuvres singulières et œuvres croisées (l’entité MDVN à proprement parler se distinguant par ses 3 splits), le collectif s’avère d’une richesse folle mais ne s’appréhende pas si facilement. Autant demander leur avis aux principaux intéressés.
La première occurrence de MNDV apparaît pour la 1ère fois sur l’album Blind de Snow Shards. Outre les consonances folkloriques, j’y voyais la proclamation d’un DIY militant. A raison ?
Emet, pour Jinkstraüm : Alors, l’occurrence apparaît pour la première fois sur Blind mais date d’après la sortie de cet album, si ma mémoire est bonne. D’abord, il n’y a eu qu’une sortie physique de projet étiqueté MNDV (Fullmoon), ensuite, les processus et les créations MNDV sont complètement indépendants, c’est-à-dire sans sponsor, sans soutien technique, et sans moyens extérieurs à ceux que les contributeurs apportent. Là est la « Musique Noire », qui d’ailleurs devrait plutôt s’écrire « Musiques Noires ».
Snow Shards : MNDV c’est avant tout l’implication de musiciens qui se rassemblent avec l’idée de s’intégrer dans le développement de la scène locale et ses groupes prolifiques, dans des genres peu exploités dans notre environnement. Le côté DIY, on l’a dans notre volonté de faire les choses au mieux avec ce que l’on a sous le coude, sans passer par une tonne d’intermédiaires, peut-être parce que l’on est trop précieux avec nos propres projets.
Deux ans plus tard, des groupes existant en tant qu’entités singulières, mais également des collaborations multiples entre les groupes, donnant l’impression d’une véritable œuvre croisée. Comment s’est opérée la fondation du collectif ?
Emet : Autour d’une bière, ou deux, et d’un album de Forteresse. A la base, nous devions juste faire un split foireux de BM à la Vendéenne entre mongoliens à vestes à patchs, puis, entre désistements et divagations diverses, on a fini par accoucher du Volume I sans calculer grand-chose, vu qu’il n’y avait rien à calculer. Exception faite des doses de sucre dans la bouteille d’Absinthe.
Snow Shards : C’est ça. C’est parti d’une idée de Jinkstraüm, ensuite rejoint par Koldkrypt et moi même. On ne pensait pas sortir plusieurs splits par an. Ce qui est sûr, c’est qu’il y’a toujours eu la volonté de créer une nébuleuse de groupes et de projets.
Le site est pourvu d’un riche « non manifeste », permettant de répondre à de nombreuses questions implicites (et de dégager à coups de pompe dans le cul la question du régionalisme). Plus synthétiquement, comment définiriez-vous le genre MDVN, aussi bien que le projet ?
Emet : Pour le moment, MNDV est une forme d’amicale : nous sommes des potes, et des potes de potes qui nous mettons d’accord sur des thématiques et qui composons sur celles-ci. L’évocation de la Vendée fait partie de l’idée mais est pratiquement secondaire; en gros, ça s’appelle « Musique Noire » pour les raisons évoquées précédemment, et « de Vendée » parce qu’à la base, la Vendée nous a tous marqués d’une façon ou d’une autre. Le projet est théoriquement ouvert, les splits ne sont qu’une idée parmi d’autres, et l’étiquette MNDV est utilisable par quiconque, même si nous préférons avoir fait sa connaissance avant.
Snow Shards : Personnellement, je vois plus le sigle « Musique Noire De Vendée » comme une sorte de label AOC apposé à nos projets / albums. Et pour le manifeste, il est évident qu’il est là pour clarifier nos idées. On est 7 personnes différentes avec autant de convictions politiques et personnelles, mais en aucun cas MNDV ne sert de porte à un régionalisme latent. Sinon, nous n’aimerions pas autant de scènes Nantaises, Bordelaises, etc.
S’inspirer du folklore et de l’Histoire pour créer, pour composer, c’est transformer une dynamique ancestrale en quelque chose de personnel, de relu par notre propre subjectivité plus ou moins assumée et consciente. La création est alors quelque chose d’éminemment intime et atavique.
Une partie de la production est de l’ambiant (même si je n’aime pas les étiquettes réductrices). Nombre de photos sur le Facebook montre des exemples de nature sauvage, dont la Vendée est bien pourvue. A l’écoute de plusieurs groupes (Snow Shards, Jinkstraüm, PLP, Body Scan), la perspective contemplative, presque mystique, me semble évidente ; et Snow Shards parle entre autre de nature fantasmée. A quel point l’imprégnation de la nature joue sur votre créativité ?
Emet : S’inspirer du folklore et de l’Histoire pour créer, pour composer, c’est transformer une dynamique ancestrale en quelque chose de personnel, de relu par notre propre subjectivité plus ou moins assumée et consciente. La création est alors quelque chose d’éminemment intime et atavique. La rendre publique, c’est exprimer une part de soi liée à un Tout, où chaque auditeur peut opérer ses propres lectures…
Snow Shards : Dans Snow Shards, la nature est le cœur central de l’inspiration depuis le début du projet. Elle est toujours présente, dans les nappes ambiant, dans les samples, entremêlé des textes et des mélodies inspirés par ma vie. Lorsque je n’arrive plus à trouver l’inspiration, je sors automatiquement faire un tour. J’ai la chance d’avoir de magnifiques décors à moins de 500m de chez moi, des ruines de pierres en passant par de grands champs vallonnés entourés de ruisseaux et la forêt de Grasla toujours au près. Ce sont toujours des moments inspirants. Nous sommes des enfants de la campagne et cela se sent dans chacun des projets que compose MNDV.
Et dans un second temps, l’autre partie de la production fait la part belle au Black Metal (KoldKrypt, Progeny Of Salem) ce qui peut sembler on ne peut plus logique avec un riche folklore comme le nôtre. Pourtant l’approche est là encore très personnelle, très intime…
Typhus (Koldkrypt, Progeny Of Salem) & Thanatos (Alice Insane, Progeny Of Salem) : Le Black Metal est une musique se composant de la façon la plus intuitive qui soit. Pour notre part, le côté très pieux de la région se ressent dans notre duo Progeny Of Salem, en effet la thématique religieuse est régulièrement présente, aussi bien dans le texte que musicalement (d’où la présence d’orgues…). Pour garder le folklore du Black Metal, nous mêlons cet univers chrétien à la sorcellerie, ce qui nous a amenés à nous focaliser sur la période de l’inquisition, symbolisant parallèlement la rencontre de nos univers musicaux respectifs.
Typhus : Pour ce qui est de Koldkrypt, je ne traite pas clairement de sujet rattaché à la Vendée précisément. Cet album y reste évidement rattaché de par son origine géographique. A ce jour, il n’y a que dans le Split MNDV Vol.1 que j’aborde réellement le thème de la Vendée, de mes ballades nocturnes quasiment perdu dans les champs de Dompierre-Sur-Yon.
Thanatos : Pour ma part, c’est les environs de Chavagnes qui font mon inspiration, je vais souvent me poser dans un petit endroit calme, plein de verdure, où coule une rivière (la petite Maine), bien souvent la nuit. Et c’est de mes escapades nocturnes que je tire mes inspirations, et à passer le reste de mes nuits dans ma cave à jouer, composer.
Le collectif a des assises très solides. A quoi ressemblera un avenir qui vous satisfasse pleinement ?
Emet : Des assises très solides, je n’en sais rien, des gens motivés et aux idées variées, c’est certain. Si MNDV pouvait motiver certaines personnes à pousser leurs envies et leurs curiosités artistiques plus en avant, ce serait énorme. Que MNDV incite les gens à s’intéresser à ce qui les entoure, ce serait génial. Que la musique ce ne soit pas juste l’anecdote justifiant des festivals monstrueux, ou des massacres sponsorisés par la SACEM, mais quelque chose de vivant qui appartienne à tout le monde…
Snow Shards : Disons qu’on tente d’être régulier et de booster les idées créatrices de chacun. On a, et aura toujours, des gens pour venir nous dire que l’idée du collectif de musiciens indépendants Vendéens est « stupide » ou prête à rire, mais en attendant nous poussons notre créativité au maximum. La musique ne doit pas se mêler au compromis. Que l’on ait ou pas le niveau de connaissance pour enregistrer, mixer et composer des morceaux n’a guère d’importance tant que l’on arrive avec nos petites mains à créer ce qui émerge de nos pensées.
Thanatos : Continuer à être un collectif de potes, qui s’inspirent et se soutiennent mutuellement, de faire rentrer d’autres membres et continuer à faire partager nos univers, car c’est surtout un partage, un mélange de genres et de sonorités et c’est ce tout qui fait que MNDV est MNDV.
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